Pourquoi ceux nés hors-ligne ne savent pas faire la différence entre l’extorsion et le consentement.

Les conflits et tensions entre la génération du Netz et les législateurs nés au milieu du siècle dernier continuent à s’exacerber. Les législateurs ont la force des appareils d’État de leur côté tandis que la nouvelle génération a l’avenir pour elle. Avec les récentes révélations sur l’espionnage et la surveillance massifs de la NSA aux États-Unis, ces tensions ont refait surface.

Ceux qui sont nés en 1950 ne sont bien sûr pas responsables d’être nés à cette époque. Cependant leur ignorance des nouvelles réalités et des exigences croissantes de respect de la vie privée est coupable. N’écouter que les lobbyistes n’est pas un choix légitime, même quand ceux-ci sont des «intéressés». Ces lobbyistes d’après-guerre sont aussi nés hors-ligne et tout ce qu’ils pourront apprendre aux députés sera comment descendre un rideau de fer sur Internet car ça les gêne aux entournures. Surtout quand Internet permet de réaliser ce qu’ils faisaient auparavant pour un dixième du prix qu’ils demandaient.

Bien sûr il n’y a pas que les États-Unis qui espionnent leurs citoyens de cette manière. Les pays européens utilisent peu ou prou les mêmes méthodes même si parfois à des échelles différentes.

Les exigences de la nouvelle génération sont le respect de la vie privée et de la dignité des personnes. Ces exigences s’expriment avec de plus en plus de force au fur et à mesure que les techniques de surveillance sont dévoilées au grand public. Malheureusement ceux nés hors-ligne méprisent généralement ces exigences, qu’ils soient législateurs ou lobbyistes.

Trop fréquemment, nous entendons les gens qui sont nés hors-ligne tousser quand ils entendent nos revendications et “constater” :

Ils publient déjà toute leur vie privée sur Facebook de toute façon. Comment pourraient-ils accorder de l’importance à la vie privée ? Ça ne doit pas vraiment les déranger qu’on aille regarder sur les serveurs de Facebook tout ce qu’ils y mettent.

Cette affirmation, aussi courante soit-elle, est ignorante et arrogante. Elle ignore une distinction fondamentale pour l’être humain : celle entre le consentement et l’extorsion. Regardons les deux phrases suivantes pour mettre cette distinction en valeur :

Cette vieille dame donne tout son argent à des œuvres caritatives. À l’évidence elle se moque d’épargner. Ce n’est donc pas grave si nous lui prenons le reste sans lui demander son avis.

Ces gens font l’amour avec beaucoup de monde. À l’évidence ils se moquent de savoir avec qui ils font l’amour. J’ai donc le droit de leur faire l’amour, par la force si nécessaire.

Si ces deux dernières affirmations vous paraissent choquantes et arrogantes, alors la première aurait dû l’être aussi. Ce sont les individus qui consentent à dévoiler leur vie privée. Penser autrement est arrogant pour ceux qui sont nés en ligne.

Les deux dernières affirmations sont sémantiquement équivalentes à la première pour mettre en lumière l’atrocité et l’arrogance de cette première affirmation. Les droits violés dans les trois cas sont tous importants, aussi bien légalement et philosophiquement qu’émotionnellement. Pourtant nos législateurs actuels semblent souvent incapables de comprendre la différence entre l’action volontaire et celle forcée lorsqu’on parle de la vie privée.

Résumons donc l’affaire une seule phrase : Ce n’est pas parce que quelqu’un vous ouvre des aspects de sa vie qu’il vous donne tous les droits pour rendre le reste public.

Certes les gens nés dans les années 1950 n’ont pas l’habitude de mettre autant de données en ligne que nous, ou pire ne se rendent pas compte de tout ce qu’ils peuvent y mettre. Cela ne leur donne pas pour autant le droit de violer sans complexe la vie privée de tous les citoyens sans distinction.

Les élections européennes ont lieu dans un an. La nouvelle génération fait bientôt le tiers de la population européenne. Ses exigences devront inévitablement être prises en compte.

Cette traduction a été réalisée par Paul Neitse.

Rick Falkvinge

Rick is the founder of the first Pirate Party and a low-altitude motorcycle pilot. He lives on Alexanderplatz in Berlin, Germany, roasts his own coffee, and as of right now (2019-2020) is taking a little break.
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