Trois bonnes raisons pour re-légaliser la possession de pédopornographie

La pédopornographie est un sujet toxique, mais de première importance. J’essaye ici de faire progresser sérieusement la discussion, et d’expliquer pourquoi la possession de pédopornographie doit être re-légalisée dans les dix années à venir, et pourquoi vous devez y aider.

ABSTRACTL’argumentation est que nos lois actuelles sont contreproductives, parce qu’elles protègent ceux qui abusent des enfants plutôt que de les amener en justice, parce qu’elles criminalisent une génération d’adolescents normaux et font perdre du temps à la police dans sa recherche des vrais criminels, et parce qu’elles aboutissent à la censure et aux autodafés virtuels tout en détruisant des familles innocentes.

Lors de la criminalisation de la possession de pédopornographie, ceux qui s’y opposèrent eurent quatre arguments forts :

  • Cela ne permettrait pas d’arrêter les coupables des abus.
  • Cela mènerait à une censure arbitraire.
  • Cela restreindrait la liberté de la presse.
  • Cela ouvrirait la voie à la censure dans d’autres domaines.

Rétrospectivement, ils avaient raison. C’est tout à fait catastrophique.

  1. Cela empêche de mettre au frais les violeurs d’enfant.
  2. La criminalisation d’une génération entière.
  3. La pédopornographie doit être protégée par la liberté d’expression.

1) Cela empêche de mettre au frais les violeurs d’enfant.

Connaissez-vous les lunettes Google ? Il s’agit d’un prototype de téléphone-lunettes.

Nos téléphones eux-mêmes deviennent des lunettes, qui nous permettent de partager en temps réel ce que nous voyons. Le changement est aussi important que lorsque CNN a rendu compte en temps réel de la première guerre du Golfe : « Le ciel étoilé de Bagdad est illuminé par des traînées de feu. »

Sergey Brin portant des lunettes Google, un prototype de téléphone nouvelle génération qui peut filmer et diffuser en temps réel tout ce que vous voyez. Photo de Thomas Hawk.

Imaginez que dans dix ans vous descendiez dans un parc. Vos lunettes sont allumées, comme celles de tout le monde. Vous enregistrez et diffusez tout ce que vous voyez, comme presque tout le monde, quand un ami commence à discuter avec vous. Un peu comme ceux qui laissent tout le temps une caméra allumée quand ils conduisent.

Vous passez un buisson, et voyez une fillette de 12 ans sauvagement violée.

BAM. Vous êtes un criminel, et êtes susceptible d’être plus lourdement condamné que le violeur en face de vous.

Le violeur vous voit et rigole, sachant que vous ne pouvez rien faire. Si vous appelez la police et vous déclariez comme témoin, vous perdriez votre boulot, vos enfants, votre maison. Alors que vous paniquez et essayez de tout effacer, vous voyez quelqu’un d’autre arriver et faire comme vous.

Pendant ce temps, une fillette violée voit tous les témoins se détourner et effacer toutes traces de son viol.

Voilà exactement ce qui arrivera avec la prochaine génération de téléphone.

Certes, il n’est pas certain que les tribunaux vous condamnent, parce que votre possession de pédopornographie est non-intentionnelle. Cependant, de même que la possession de drogue est condamnée, peu importe si celle-ci est intentionnelle ou non, la possession de pédopornographie l’est aussi.

Pourquoi donc voulons-nous interdire la possession de pédopornographie ? Parce que nous voulons empêcher la maltraitance des enfants, ou parce que nous voulons l’évacuer hors de notre champ de vision ?

Je dirais que la criminalisation de la possession de pédopornographie empêche déjà la capture des violeurs d’enfants, et que ça deviendra de pire en pire à l’avenir. Parce qu’elle sert plus à nous éviter de voir ce qui existe qu’à l’empêcher.

Cela ne veut pas dire qu’il faut totalement légaliser la possession de pédopornographie. Cela veut simplement dire que nous devrions toujours avoir le droit d’enregistrer et de diffuser ce que nous voyons. Une sorte de protection de la source à la première personne inviolable, si vous voulez. S’il existe une nuance de gris quelque part, un petit doute sur les conséquences de la possession de telles preuves, nous réduisons les chances de découverte des abus sur mineur.

2) La criminalisation d’une génération entière.

Nos lois actuelles mettent sur le même plan une vidéo d’un enfant de 7 ans violé et de deux adolescents de 17 ans amoureux et faisant normalement l’amour sur le même niveau. C’est tout à fait bizarre. La première chose est horrible, la deuxième belle. Pourquoi est-ce que nos lois ne prennent pas ça en compte ?

Regardons un peu ce qui est naturel pour la génération actuelle :

  • Explorez et comprendre son corps au passage de la puberté, comme tous les Homo Sapiens avant eux.
  • Communiquer à la folie. Tout communiquer. Tout le temps. Via tous les médias.
  • Tout documenter. Même eux nus. Même le sexe. C’est un épisode parmi d’autres, et ils ne sont pas limités à 24 photos par pellicule comme je l’étais quand j’étais jeune.

Techniquement, la plupart des gens qui grandissent aujourd’hui perdent leur virginité via un viol. Je dis « techniquement » parce que le viol a été redéfini par nos législateurs pour inclure les rapports sexuels entre individus d’un âge inférieur à la majorité sexuelle. Une telle redéfinition est aussi pertinente qu’une redéfinition du meurtre qui inclurait les embrassades des amis, pour ensuite se plaindre de l’augmentation des meurtres. Beaucoup de «violeurs» ne feraient pas de mal à une mouche.

Cet effet de bord inacceptable des lois actuels, ie la criminalisation d’une génération entière, peut briser leur vie sous prétexte de protéger les enfants pré-pubères.

Ce type de dissonance entre le prétexte et l’effet réel de la loi peut être observé dans de nombreux cas de lobbying. J’appelle cela une argumentation de « meurtre et traversée en dehors des clous », autrement dit par amalgame qui sert d’épouvantail.

Exemple :

« 98% des enfants ont vu un meurtre ou une traversée en dehors des clous avant l’âge de 7 ans. Être témoin d’un meurtre ou d’une traversée en dehors des clous peut avoir un impact psychologique dévastateur selon les experts. Il faut donc des lois plus strictes contre les meurtres et les traversées de piéton en dehors des clous. »

Remarquez que le «ou» se transforme en «et» à la fin, comme si la traversée hors-clous et le meurtre devaient être régulés de la même manière. C’est bien sûr intentionnel.

Pour savoir pourquoi de telles législations existent, il suffit le plus souvent de savoir cui bono, c’est-à-dire à qui profite le crime ?

Par exemple, l’industrie du droit d’auteur continue à essayer de nous faire avaler que les ados qui partagent leur musique devraient être réglementés par les mêmes lois que les contrefacteurs de médicaments qui, eux, mettent des vies en danger, en mélangeant allégremment contrefaçon et piratage. La plupart des traités visant à renforcer les monopoles de l’industrie du droit d’auteur utilisent le prétexte de la «prévention de la contrefaçon», et dérapent en des lois absurdes criminalisant les adolescents. Comme,  à tout hasard, ACTA, qui s’appelait «Traité commercial anti-contrefaçon» en anglais.

Voilà pourquoi il nous faut nous poser la même question quand il s’agit de pédopornographie. Cui bono ?

Il apparaît que ces lois sont le résultat du lobbying des chrétiens fondamentalistes, et serviraient à protéger les enfants. Aux États-Unis, ils ont colonisé à peu près tout le Midwest. En Suède, ce rôle est principalement occupé par l’organisation ECPAT, qui a ses racines dans l’organisation de chrétiens fondamentalistes ECTWT (« Coalition œcuménique à propos du tourisme dans le tiers-monde »). À chaque fois que ces chrétiens demandent de nouvelles lois au prétexte de la protection des enfants, on finit par criminaliser des adolescents.

Relions maintenant l’ensemble des morceaux du puzzle, en se demandant cui bono l’amalgame ?

Culpabiliser les adolescents inquiets dans leur rapport à leur propre corps et ceux des autres, et les rendre honteux de leurs désirs pour supprimer leurs instincts, en criminalisant des comportements naturels et en détruisant leur vie, ça n’a jamais été un effet de bord. Là était toute l’idée.

En Suède, ECPAT a poussé des lois qui punissent d’emprisonnement la possession d’images de vous-même nus avant votre dix-huitième anniversaire. Qui pense que ça sert à quelque chose ? Que ça aide à la répression de la pédophilie ?

L’existence de cette loi correspond-elle mieux à la protection des adolescents ou à leur domination en leur faisant peur de leur propre corps ? L’utilisation d’un tel prétexte pour gaver les adolescents d’une morale fondamentaliste ne montre-t-il pas à quel point ces soit-disant chrétiens sont tombés plus bas que terre ?

Pour régler le problème il faudrait envoyer bouler les organisations chrétiennes fondamentalistes comme l’ECPAT lors de la rédaction des lois, et restreindre les lois actuelles aux enfants prépubères seulement. Le meurtre et la traversée des passages piétons n’ont pas à être régulés par les mêmes lois, parce qu’il ne s’agit pas de la même chose. Au cas où le législateur voudrait un âge fixe, je suggère 13 ans, puisque la plupart des adolescents sont déjà pubères à cet âge. Il ne faut pas pour autant sous-entendre que la diffusion commerciale de pédopornographie devrait être autorisé. Il ne s’agit ici que des images échangées volontairement, avec joie, et consensuellement. Dans ce seul cas, les adolescents ne devraient pas être qualifiés de violeurs ou d’agresseurs sexuels.

Les sceptiques pourront noter qu’à la différence de la Suède, l’Espagne applique déjà une limite de 13 ans au lieu de 18 ans, et que beaucoup moins de vies y sont brisées pour des prétextes stupides qu’en Suède.

3) La pédopornographie doit être protégée par la liberté d’expression.

Pour la nouvelle génération, il n’existe pas de différence entre la destruction de fichiers sur un ordinateur et les autodafés. Malheureusement, l’ancienne fait une différence entre des fichiers et des livres. Si l’effacement à distance de fichiers par la police était vu comme une intrusion policière au domicile suivi d’un tri en règle de la bibliothèque et de la destruction des livres interdits, elle y réfléchirait à deux fois, ce qui n’est pas le cas.

Or, aussi longtemps que la pédopornographie est bannie, les uns et les autres tenteront de détourner à leur profit les dispositions de censure que ce ban exige. Tout le monde y va de son avantage. Les sociétés de jeu en ligne, l’industrie du droit d’auteur, les politiques comme Censilia saisissent l’occasion de censurer en douce.

Certes la pédopornographie est horrible et dégoutante sous tous rapports. Mais les autodafés virtuels sont pires. Pour protéger la liberté d’expression, il faut donc re-légaliser la possession de pédopornographie.

Oui, c’est affreux, mais tout autant que des tonnes de vidéos de meurtres qui circulent sur le Net et ne sont pas pour autant censurées. N’ouvrons pas de brèches dans la protection de nos droits constitutionnels fondamentaux. Soyons éclairés, non obscurantistes.

Pour cela, nous aurons besoin de vous, quitte à surprendre. Tout le monde ne vous comprendra pas, mais ne tombez pas pour autant dans le travers de «défendre les pédophiles».

L’association des journalistes suédois demande elle-aussi que l’interdiction de la possession (non de la production !) de pédopornographie soit levée, et à l’évidence pour d’autres raisons que l’envie sadique d’abuser de nos enfants. Cette autre raison est l’envie d’une société libre et ouverte aux opinions contradictoires.

Pour les activistes de la liberté d’expression sur Internet, c’est là que s’est jouée et se joue toujours la bataille. C’est la plaie à refermer avant qu’il ne soit trop tard.

Lars Hallberg a très bien résumé le point de vue de Rick dans un commentaire :

Il n’est pas illégal de filmer un meurtre.
Il n’est pas illégal de posséder le film d’un meurtre.
Mais il reste illégal d’assassiner les gens.
Et il reste illégal de les assassiner pour filmer leur assassinat.
Si vous avez pris part à un meurtre et l’avez filmé, cela sera retenu à charge contre vous.

Rick ne dit pas autre chose. Il n’encourage pas la pédophilie ou la pédopornographie. Il dit simplement qu’il ne devrait jamais être illégal de posséder une information. Quelqu’elle soit.

Rick Falkvinge

Rick is the founder of the first Pirate Party and a low-altitude motorcycle pilot. He lives on Alexanderplatz in Berlin, Germany, roasts his own coffee, and as of right now (2019-2020) is taking a little break.

Discussion

  1. Donde Vamos

    Aberrant. Un raisonnement scabreux pour quoi au final? Permettre à tout un chacun de prendre son plaisir en regardant des viols d’enfants…
    L’offre créé la demande, plus il y aura de pédopornographie, plus on aura d’amateurs et de passages à l’acte.

    Il est inadmissible aujourd’hui de tenir un tel discours, cela montre que vous ne savez pas du tout de quoi vous parlez

  2. Libre

    Es des gosses jouant à “touche pipi” entre eux et la les poursuivre est contre productif mais si il s’agit de canailles abusant d’enfants alors la il faut sanctionner!

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